Texte sur l’exposition « La vision de la matière » de l’artiste Lamprini Boviatsou présentée à la galerie Desmos à Paris en décembre 2017.
Les limites de la matière sont minces. Même notre propre corps, aussi tangible et sensible, pourrait nous échapper, nous glisser entre les mains, au moment où il devient reflet autour de nous, dans d’autres matières et surfaces. Une relation avec l’environnement que nous ne contrôlons pas. Notre propre image s’assimile et interagit indépendamment de nos désirs. Elle devient la « possession » de chaque surface qu’elle reflète de sa propre manière, en la déformant, en l’adaptant à son propre « espace ». Tant qu’on s’y tient en face, inconsciemment ou pas. Nous devenons les objets d’une autre matière qui nous dématérialise mais également nous confirme.
Lambrini Boviatsou se laisse aller consciemment dans ce jeu et lui donnant une continuité. Des objets du quotidien capturent instantanément notre image, comme des photos, témoignages de notre échange avec eux. Des millions d’objets, chaque instant partout dans le monde, « reflètent » des gens dans des moments les plus inattendus, prennent une place dans leur vie et deviennent une partie de leur histoire. La théière, les verres, la cuillère, le pommeau de douche, deviennent des témoins silencieux de notre existence. Un miroir que nous souvent nous n’invoquons pas, mais qui nous entoure. Un jeu avec les matériaux souvent involontaire mais existant et intéressant, qui devient l’objet d’un commentaire esthétique de haut niveau de la part d’une artiste habile, inventive qui explore.
Cette relation s’approfondit de plus en plus et devient un prétexte à développer des histoires, à réveiller des souvenirs, à libérer l’imagination. Et l’artiste participe activement à l’évolution de ses œuvres, en prêtant son image, son regard persévérant, sa présence ininterrompue. Et la matière de reflet comme s’il devenait en même temps l’intermédiaire entre la narration et le temps présent, comme un témoignage de l’existence réelle de l’œuvre en satisfaisant en même temps le besoin de quelque chose de tangible, familier, venant de notre propre monde vécu. La création est une expérience, un vécu, parmi les plus forts. Ainsi que la vision de l’art est une expérience parmi les plus essentielles.
Dans les œuvres de l’artiste, surtout les plus récentes, on distingue souvent une grande « douceur », une impression douce du dessin, simple et complet dans son thème, qui contraste avec le poids du sujet, souvent interprété comme matière qui inclut parfois de l’angoisse, des souvenirs, des questions existentielles et des voyages dans d’autres temps et dimensions.
A l’ensemble des œuvres de l’artiste, on perçoit une force tranquille qui puise sûrement dans sa propre présence ininterrompue qui se tient avec sincérité face à ses œuvres et donc face aux spectateurs. Et aussi dans la sûreté de la manière de représentation : le dessin, les couleurs, les matières et les sujets semblent être choisis avec prudence afin qu’ils deviennent la base d’une liberté totale avec laquelle le spectateur va se les approprier et les vivre, sans normes et sans limites.
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Lambrini Boviatsou est née à Athènes en 1975 et est diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Rome. Depuis 1996 elle a participé à plusieurs expositions collectives en Grèce et en Italie. L’exposition la vision de la matière à la galerie Desmos en décembre 2017 est sa douzième exposition personnelle. Des œuvres de Lamprini Boviatsou se trouvent parmi les collections de la Pinacothèque Gtottamare en Italie, au Musée de l’Université d’Athènes, à la Bibliothèque municipale de Corfou en Grèce, au Musée Frissira à Athènes, au musée des Beaux-Arts d’Héraklion en Crète et ailleurs ainsi que parmi des collections privées. Depuis 2012 elle participe au conseil d’administration de la Bibliothèque municipale de Chania en Crète en tant que représentant de la Chambre des Beaux-Arts. Elle vit et travaille en Chania en Crète.
Evangelia Tzimourta | Artvingtdeux.fr