Ιnterview accordée à Yannis Tzimourtas pour le site Art22.gr à l’occasion de l’exposition « Souvenirs à bout de souffle » en 2015 à Technohors Art gallery à Athènes et qui par la suite a été présentée à la galerie Desmos à Paris en avril 2017.
Avec Eloizos Thémistokleous, on s’est rencontré pour la première fois pendant l’exposition « REM BRAND NAME – l’originalité de l’artiste ». Une sculpture accrochée au mur d’une mémoire piégée – où immobilisée – a été l’occasion de notre première discussion. Eloizos est un artiste-travailleur mais qui trouve toujours le temps d’étudier et de discuter sur des sujets de la mémoire, du sens, de la création et du mystère du temps et de s’interroger sur l’homme et le corps humain. Des sujets facilement reconnus dans son travail. Dans son exposition « Souvenirs à bout de souffle » (présentée pour la première fois en 2015 à Technohoros Art Gallery à Athènes), ses questions sur la mémoire, l’usure humaine et la peur face à l’avenir sont évidents. On se bat avec les souvenirs parce qu’on ne peut connaître l’avenir. C’est peut-être cela, mais pour Eloizos le corps consiste aussi en une sorte de mémoire biologique, une archive vivante de l’expérience du passé.
Eloizos, je crois que les souvenirs s’identifient avec les expériences, puisque tu grandissais dans un environnement artistique.
Mes premiers souvenirs ne viennent pas seulement d’un stimulus visuel, mais plutôt de la sensation, puisque des odeurs de thérébentine et des huiles submergeaient l’atelier de mon père. Là, je passais la plus grande partie de la journée depuis mon enfance, soit en construisant des châssis, soit en mettant de la couleur sur la palette, etc. Alors, forcément je crois que j’ai été influencé (dès ma naissance) par son travail (du père) et sa vision sur l’art. Plus tard, les influences le plus intenses sont venues de Francis Bacon, d’Alberto Giacometti et de Henry Moore.
Souvenirs à bout de souffle. À cause de l’angoisse, de la colère ou de l’épuisement ?
Dans cette exposition, mon but est la présentation de la mémoire dans son effort de ne pas être perdue. Elle a commencé à réaliser que l’homme qui la porte, l’a oubliée dans un coin et elle se fane. Un exemple caractéristique est le manque de notre côté infantile. D’après tout ce que j’ai compris, c’est la première chose qu’on perd quand la situation nous force à grandir (tous les « il faut » et les « justes » de la société). Et tous, un jour, essayons d’y retourner. Mais souvent, c’est déjà mort !
Tu m’avais confié que tu vois dans tes rêves certaines de tes œuvres.
Je vois beaucoup de mes œuvres dans mes rêves. Il y a une période où l’esprit est submergé par des figures réfléchies et des informations. Et elles apparaissent à travers les rêves. La difficulté dans ce cas-là est de réussir à retenir ces images le plus vite possible, avant qu’elle ne se perdent ou se déforment.
De me rappeler de ne pas oublier. C’est la devise que j’ai lue sur une de tes œuvres.
J’aime observer les gens et comment ils fonctionnent. C’est comme ça que j’ai compris que plus on vieillit plus se diminue la gamme de notre vision des choses. À ce moment-là, elles commencent à « pousser » les œillères de l’esprit et on commence à être sûr de tout ce qu’on dit et croit. Celui qui croit avoir toujours raison, il arrête de chercher et commence à oublier. C’est un de mes cauchemars. De me rappeler de ne pas oublier !!!
Est-ce que tu as une méthode spécifique de travail ?
Il n’y a pas de méthode spécifique. Chaque œuvre se construit et se définit par rapport aux besoins et en ayant comme base un contenu conceptuel. Par exemple, dans certaines œuvres où le métal est utilisé comme partie de l’œuvre, elle commence aussi sa conformation. Après je commence à travailler les figures. Il n’y a pas de moule, chacune est travaillée par rapport à ses besoins. Puis, il y a le processus de l’union des éléments et à la fin, la couleur. Dans ma plus récente exposition à Technohoros (« Souvenirs à bout de souffle » 2015), les matières utilisées sont du plâtre et du fer.
La plupart de tes œuvres sont des masques. Pourquoi ?
Je pense que tous les gens évitent d’apparaître « tout entiers » en face de quelqu’un parce qu’on croit qu’ainsi, on deviendrait vulnérable. Alors, par rapport aux circonstances, on utilise le masque qui nous fait croire qu’on n’est plus visible. C’est comme si on se cachait derrière notre doigt. Mais tôt ou tard la vérité est révélée !
Personnellement, j’essaie beaucoup de les retirer de mon quotidien. Je crois que ça se voit aussi dans mon travail. Toutes les œuvres sont de petites « psychographies ».
De l’idée à l’action. De l’immatériel à la matière.
C’est hallucinant. Une fois que l’œuvre est terminée et que l’on voit la transformation d’une idée à une image, il n’y a pas de mots. Chaque œuvre est un accouchement, passée par tous les stades : la conception, la gestation et enfin l’accouchement. Finalement toutes ces œuvres, c’est soi-même.
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