Extrait de l’interview de l’artiste grec Dimitris Koukos accordée à Yiannis Tzimourtas, directeur du site grec art22.gr.

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Art22.gr : Un ami, avec qui je parlais de votre travail, m’ a dit que vous utilisez des codes secrets. Croyez-vous que le spectateur soit en quête des secrets dans vos œuvres ?

D. K. : Des secrets qui viennent de son âme, car les couleurs sont plus ou moins connues à tous. On les trouve dans la nature, sur notre chemin, dans nos pensées… Même dans nos rêves. J’essaie d’imprimer certaines choses, mais surtout celles qui viennent de l’intérieur de moi. J’ai une maitrise de soi, une organisation mais ce qui m’intéresse le plus est d’avoir un travail vécu. Comme je ressens la nature par moi- même, la lumière… je veux voir comment la lumière passe d’un endroit à l’autre et où elle bloque ! Comment le dessin change avec la lumière. Et comment la lumière, telle que je l’apprise par mes maîtres et je constate aussi en regardant la nature, c’est une couleur plutôt froide.

Art22.gr : La nature donne une vue très variée. Elle est pleine de microcosmes, de petits épisodes que l’artiste enlève et « rejette », mais ils en restent toujours certains pour exprimer une vérité naturelle. Comment sélectionnez-vous ces épisodes que vous illuminez et magnifiez ?

D.K. : Chacun a son tempérament. Nous sommes tous différents. C’est un processus charmant de travailler à travers la lumière. Il est inconcevable que certains gens ne regardent pas à l’extérieur. Qu’ils ne voient pas la nature, qu’ils ne l’observent pas. D’accord, tu es de l’Europe du nord, il n’y a pas beaucoup de soleil, pas assez de lumière, et tu essaies par tes stimuli internes de grandir, de faire ton propre voyage. Mais ici (en Grèce), tout est généreux. Tu sors dehors, et si tu as un peu de talent tu peux faire des merveilles. Nous sommes heureux les Grecs d’avoir cette lumière, cette mer, ces belles montagnes, ces belles couleurs. Nous vivons dans un rêve charmant. Mais certains n’en aperçoivent même pas, il se ferment à l’intérieur, dans les ateliers. Je l’avais fait moi-même au début. J’avais mes propres références, les choses autour de moi, les bâtiments, une terrasse avec vue sur Tourkovounia (une colline de l’Attique). J’en étais séduit. Je les ai peints maintes fois. Beaucoup de sujets, je les ai peints plusieurs fois et cela m’intéressais parce que, cela faisant, lorsque tu travailles à plusieurs reprises sur un seul objet, tu commences à tirer des conclusions et tu avances. De nouveaux chemins s’ouvrent que tu dois suivre.

Les jeunes aujourd’hui se précipitent, ils n’ont pas la patience qu’on avait à mon époque, de se perdre dans ce qu’on faisait. Ils veulent des résultats rapides et ils trouvent comme solution le moyen. Le moyen c’est la manière. La manière, comme l’écriture, change. Ce n’est rien. C’est à nous, qu’est -ce que nous faisons ? Nous devons cultiver notre monde intérieur et être bien éduqués. Cela demande bien sûr de la passion. Plus il y a de passion mieux ça s’avance. Puisque j’ai parlé des jeunes, je voudrais dire qu’il faut qu’ils ne laissent aucun jour passer sans rien faire. Même un petit dessin. Il n’y a pas de parthénogenèse dans l’art. L’une œuvre s’attache sur l’autre et ainsi se produit et se réalise toute cette histoire.

Art22.gr : Parfois vous semblez nier le dialogue avec l’objet, le paysage en face de vous. Il parait que vous choisissez un monologue intarissable…

D.K : J’ai travaillé beaucoup sous des conditions différentes, avec peine, amour, joie et tristesse. Mais quand j’ai mon travaille – non pas que j’oublie tout le reste – mais je me sens très fort. C’est là où je m’exprime. J’exprime chaque chose, même en posant l’une couleur à côté de l’autre et toutes ensemble. Et petit à petit cela commence à grandir. Pour moi cela est un charme. Le moment où quelque chose commence à sortir. Ces choses ne sortent pas tout le temps… ce sont des moments, et ces moments sont rares. Si tu travailles beaucoup avec beaucoup de passion, quelque chose va sortir… Et quand tu as l’aide du Dieu, il y a encore plus des choses. Il y a des gens que Dieu leur a donné beaucoup de choses mais il leur manque la passion. Cela ne marche pas. Mais ils ont la facilité de faire une belle description, comme une photo – mais ça, ce n’est rient. Il n’y a pas d’action, de lumière, de force. Cela m’intéresse qu’il y ait une force dans les œuvres. Une couleur à côté de l’autre et leur lien avec l’espace. Qu’est -ce qu’un dessin ? C’est la distribution correcte des formes et des couleurs dans l’espace. C’est ça le dessin. Comment trouver deux-trois formes dans l’espace qui peuvent tenir. Tenir correctement. Mais cela n’est pas enseigné nulle part. Soit on l’a soit on ne l’a pas. Certains ont donné beaucoup de peine pour le trouver et ils réussissent dans certaines choses, imaginez alors ceux qui ont déjà du talent.

Qu’est-ce que c’est que le talent ? C’est l’élan, la passion. Il y a certains très charismatiques. Aussi en Grèce. C’est en raison du climat ? de notre tempérament ? Nous sommes une tribu très forte. Nous démarquerons toujours dans ce domaine ; Dans la sculpture, la peinture. Nous avions une bonne éducation aussi à l’École. Nous avons un privilège. Une fois j’avais écrit à Yiannis Moralis (1916-2009) une lettre en lui disant « Tous ceux commencent par Picasso même sans dessiner avant ». Ils font des choses impressionnantes. Comme disait notre maître Pappas « il faut creuser profondément pour trouver le trésor ». Même si les œuvres ne sont pas réussites. Nous ne sommes pas de machines. Nous faisons aussi de mauvaises œuvres, et des œuvres moyennes. Mais ça va sortir ce qu’il est attendu.

Mon père, déjà de l’âge de 5 ans, m’avait acheté des couleurs et un chevalet. Je suis très heureux de travailler plus de 60 ans sur ça. J’aime ce mariage des couleurs. Je veux que les jeunes le ressentent aussi. Nous sortons dehors ensemble. La plupart d’eux sont enthousiasmés par l’extérieur. Bien sûr, il y a aussi les introvertis. Ils ont appris à interpréter les choses avec une autre énergie. Mais même eux ils sourirent petit à petit avec la nature. La nature est celle qui nous donne la vie. Cela est très important. Moi, quand je suis dans la nature, j’arrive à un point où je ne la vois plus, mais je la ressens. Je ressens les sons, les odeurs, le vent. Cela me prend plus de temps d’attacher ma toile contre le vent, que le temps où je peins. Je peins très vite pour faire sortir une intensité.  C’est ça qui m’intéresse. De faire sortir l’intensité, la force. Sinon, cela ne vaut pas la peine de faire quelque chose de descriptif et commencer à le défendre par les mots. Ce que je fais est très petit et modeste, mais je me sens heureux.

Art22.gr : Diriez-vous que certaines de vos œuvres sont une confession personnelle ou une rédemption ?

D.K.: Surement. Et une grande satisfaction quand quelque chose sort. Et c’est difficile de l’exposer. Ils vont l’acheter. Ils achètent cette œuvre précise. Si ce n’est pas vendu je le cache. Ces œuvres de l’âme sont très peu nombreux. Cela veut dire quand tu ressens que quelque chose est sortie de toi très intense. Les conditions aussi contribuent au résultat. Quand tu te sens bien, quand tu es heureux, ou quand tu passes à une autre dimension, tu ressens une joie que tu identifies à l’œuvre.

Dimitris Koukos est né en 1948. Il a étudié à l’École des Beaux-arts d’Athènes auprès de Nikos Nikolaou (1909- 1986) et Yiannis Moralis (1916-2009). De 1972 à 1974 il a continué ses études en scénographie et arts décoratifs auprès de Vassilis Vassiliadis (1927-1991). Enfin, il a étudié pendant trois ans à Paris, à l’École des Beaux -arts auprès de Gustave Singier (1909-1984). Sa peinture pourrait être considérée comme une peinture de paysage abstraite ou lyrique. « La chose la plus chère et bien marché à la fois est notre rapport avec le paysage », dit-il. C’est ainsi qu’il touche la quintessence métaphysique de la Méditerranée, de la mer Egée, du ciel bleu, de la brise marine. Ayant identifié son âme à sa palette, il parvient à capturer même la moindre nuance de la lumière grecque et de son atmosphère.

Professeur à l’École des Beaux-arts d’Athènes, Dimitris Koukos a réalisé sa première exposition personnelle en 1977. Depuis, il a présenté son œuvre lors de nombreuses expositions en Grèce et à l’étranger, ainsi qu’il a participé à de nombreuses expositions collectives.